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À propos du livre

Prochainement Cogito, 2020

Un film de guerre est progressivement réalisé dans les rues de Montréal. Mais est-ce vraiment un film ? Une enquête est organisée sur trois personnes disparues : la première, dont la mort est projetée quotidiennement sur l’écran du Commodore à Cartierville ; la deuxième, découvreuse de l’Amérique, assassinée sur une plage de Sept-Îles ; et enfin, une cinéaste qui rêvait d’un film révolutionnaire sans artifices. Ces personnages ont décidé de rendre leur mort si évidente qu’elle marquera la mémoire du monde. L’expression “roman énigmatique” prend tout son sens avec ce spectacle en direct.

Prochainement sur cet écran

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Jack prend une menthe dans la soucoupe à côté de l’argent, puis traverse la rue et entre dans le cinéma. Un mur rembourré en simili cuir, surmonté de rideaux de velours, sépare le hall de la salle de cinéma. Il monte l’escalier. Dans le miroir qui recouvre le mur en haut de l’escalier, il regarde son reflet s’approcher de lui, comme un cliché d’inclinaison pris avec un zoom.

L’héroïne du film pleure. “Erik est mort”, dit-elle sans cesse. Jack connaît la scène par cœur : un pigeon noir s’est installé sur l’une des tours de la forteresse, provoquant le chagrin de Brünnhilde ; c’est le signal préétabli qu’Erik le Viking est tombé dans le malheur. Mais comment cet oiseau aurait-il pu parcourir la distance entre l’Amérique et la Norvège en une seule nuit ? Comment avez-vous pu vous suicider si rapidement que la réflexion de l’acte serait retardée au point que vous ne pourriez pas vous observer mourir ?

Le torse dénudé, Jack rembobine à la main la deuxième bobine du long-métrage, tandis que dans l’autre projecteur, la dernière bobine se déroule lentement. S’essuyant le visage avec sa chemise, il augmente le volume du haut-parleur de la cabine et se penche vers l’une des fenêtres. Il regarde ce film pour la dixième fois, une répétition qui prive les scènes – des crânes plantés avec des haches, des baisers échangés à la lumière du soleil couchant – de toute valeur dramatique ou narrative, purifiant l’univers avant de le consigner, lorsque les lumières sont allumées dans le cinéma, dans l’étendue vide d’un écran blanc nu, de 1000 pieds carrés.

Détachant ses tresses blondes, Brünnhilde se penche par une ouverture dans la tour, haut au-dessus de l’océan scintillant qui s’étend entre les bandes sombres du ciel et de la falaise. “Tu penses encore à lui ?” murmure sa servante, qui prépare le lit de sa maîtresse. Pendant ce temps, au loin, dans un golfe de ce qui sera un jour connu sous le nom d’Amérique, Erik se tient sur la proue étroite de son drakkar et s’adresse à ses rameurs : “Nous n’avons trouvé ici ni or ni bétail, mais seulement des tribus de gens hostiles. Je propose que nous laissions à d’autres, plus nombreux ou plus fous que nous, le soin de coloniser cette terre”. Les Vikings frappent leurs boucliers avec le plat de leurs épées en signe d’assentiment. Maintenant, Erik va retourner en Norvège, à Brünnhilde, et punira le traître en le jetant par-dessus la falaise.

La fin.

PIERRE TURGEON

Né au Québec, le 9 octobre 1947 – Le romancier et essayiste Pierre Turgeon obtient un baccalauréat ès arts en 1967. En 1969, à l’âge de vingt-deux ans, déjà journaliste à Perspectives et critique littéraire à Radio-Canada, Pierre Turgeon crée la revue littéraire L’Illettré avec Victor-Lévy Beaulieu. La même année, il publie son premier roman, Faire sa mort comme faire l’amour. Plusieurs ouvrages ont suivi 22 titres au total : romans, essais, pièces de théâtre, scénarios de films et ouvrages historiques. Parmi ceux-ci, on trouve La première personne et La Radissonie, qui remportent tous deux le Prix du Gouverneur général pour le roman et l’essai respectivement.

En 1975, il fonde la maison d’édition Quinze, qu’il préside jusqu’en 1978. Il y publie de nombreux auteurs, dont Marie-Claire Blais, Gérard Bessette, Jacques Godbout, Yves Thériault, Jacques Hébert et Hubert Aquin, avant de devenir directeur adjoint des Presses de l’Université de Montréal (PUM) en 1978. Puis, de 1979 à 1982, il a dirigé les éditions du groupe Sogides, le plus important éditeur francophone d’Amérique. (L’Homme, le Jour, les Quinze). Il édite également des logiciels, lançant l’un des premiers éditeurs de texte français (Ultratexte) et le premier programme de vérification orthographique français (Hugo). Rédacteur en chef de la revue littéraire Liberté de 1987 à 1998, il a édité des numéros controversés sur la Crise d’octobre et la Crise d’Oka, ainsi que sur divers sujets politiques et culturels.

En 1999, il crée Trait d’union, une maison d’édition consacrée à la poésie, aux essais et aux biographies de célébrités, ouvrages signés entre autres par René Lévesque, Pierre Godin, Micheline Lachance, Margaret Atwood. Il est le seul éditeur canadien à avoir vu l’un de ses livres, une biographie de Michael Jackson Unmasked, atteindre la première place de la liste des best-sellers du New York Times. Entre-temps, l’auteur continue d’être prolifique et, en 2000, il a publié une histoire du Canada, en collaboration avec Don Gilmor, qui a remporté le prix Ex-Libris, décerné par l’Association des libraires canadiens avec la mention de meilleure histoire du Canada à ce jour.

Aujourd’hui, il travaille à la création d’un site d’édition entièrement consacré à la diffusion de livres électroniques en anglais et en français : Cogito, qui sera mis en ligne au début de l’année 2021.

Jamais aura-t-on lu un livre aussi violent et aussi retenu… Dans une prose classique parce qu’elle seule lui permettait le jeu, Turgeon ment de la première à la dernière page, fait semblant de chercher l’assassin qu’il connaît bien parce qu’il est en chacun de nous comme cette violence étouffée et noyée de nos tavernes. – Jacques Godbout, L’actualité.